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P. Veltz

Temps de travail et efficacité: un lien à repenser,

in de Terssac G., Tremblay D.G., Où va le temps de travail ? Octares, Toulouse, 2000

 

Si l'on s'en tient à une vision classique de la rationalisation de la production, le rapport entre le temps travaillé et l’efficacité industrielle ou marchande est sans mystère : il faut augmenter le volume produit par unité de temps, c’est-à-dire accroître l'intensité et la vitesse d’exécution pour des tâches données. De fait, ce schéma résume bien ce qui se passe dans un univers où la productivité peut se décrire essentiellement comme une productivité de débit. Or, même si toutes les enquêtes montrent que nous sommes loin d'être entièrement sortis d'un tel univers — et même que cet univers s'étend à de nouvelles activités, à de nouvelles populations, à de nouvelles régions du monde ­— il me semble que la période actuelle est marquée par le développement de rapports beaucoup plus compliqués entre temps et efficacité, par une crise profonde et multiforme des notions mêmes de productivité et par un paradoxe de grande portée, dont l'explicitation formera la trame de cette contribution, et que j’expliciterai ainsi :

D'un côté , le temps-durée reste un paramètre central pour l'organisation du travail, au plan de la firme comme à celui de la société tout entière. La rentabilisation du capital fixe (machinerie ou immobilier) impose des contraintes temporelles de continuité croissante dans les ateliers et, de plus en plus, dans les bureaux ; la concurrence entre les firmes et entre les individus s'organise de plus en plus autour des délais d'innovation et de réalisation des tâches ; la pression temporelle sur le travail semble croître, en moyenne. Dans la vie des personnes, l'articulation et le recouvrement des plages temporelles constituent un enjeu crucial, qui est aussi un grand enjeu pour l’organisation sociale en général. Mais, d'un autre côté, dans un nombre rapidement croissant de situations, la valeur créée par le travail — que cette valeur soit validée dans la sphère marchande ou, plus généralement, en termes d'utilité sociale — est de moins en moins représentable par le temps d'activité au sens « industriel » traditionnel, c'est-à-dire par une durée chronologique combinée à une intensité plus ou moins homogène et stable d'activité. Nous sommes les héritiers d'une longue histoire, à la fois conceptuelle et pratique, où le temps s'est imposé non seulement comme le cadre de contraintes de plus en plus rigoureuses, de prescription et de coordination des tâches, mais aussi et surtout comme l'étalon même de mesure de la contribution productive. Pour Smith, pour Marx, comme pour Taylor, la valeur-travail est en réalité une valeur-temps de travail. Or ceci est de moins en moins pertinent dans les situations contemporaines. Il nous faut donc apprendre à dissocier, à désimbriquer ces deux dimensions — temps-contrainte, temps-valeur — qui dans le modèle industriel dominant ont été complètement rabattue l'une sur l'autre, au point que nous avons encore du mal à les discerner. L'enjeu de cette distinction n'est pas seulement analytique ou académique. Pour l'entreprise, il s'agit de sortir de la schizophrénie gestionnaire rampante qui consiste à valoriser dans le discours des formes de contribution productive du travail radicalement inaccessibles à la mesure temporelle traditionnelle (comme l’engagement dans la communication et le travail collectif, la tension en faveur de la qualité, etc.) tout en continuant à piloter dans la pratique avec des mesures qui se ramènent presque toujours à du temps passé, comme dans la plupart des comptabilités analytiques, et en considérant in fine la fixation des effectifs d'emplois eux-mêmes comme la répartition d'une durée globale d'activité. Au-delà de l'entreprise, le problème n'est pas moindre. Si les débats actuels sur la réduction du temps de travail sont souvent confus, c'est en grande partie en raison du mélange intime des raisonnements portant sur le temps-contrainte, dans l'organisation de l'activité des entreprises et dans l'organisation de la vie quotidienne, et de raisonnements « économiques » uo « économétriques »" mettant en scène un concept de productivité, où le temps homogène est réintroduit implicitement comme étalon central, voire unique, de la valeur. Or, contrairement à ce que pensent les macro-économistes, ce concept de productivité est aujourd’hui un piège. Les gestionnaires d’entreprise s’en rendent mieux compte, même s’ils restent largement prisonniers de leurs instrumentations comptables : le rapport entre temps passé et valeur produite est susceptible de variations considérables, au sein d'une même firme et d'une firme à l'autre, au point que les effets de moyenne sont peu significatifs. En tout cas, ils ne permettent pas de prévoir ce qui peut se passer dans un ensemble très hétérogène de firmes, caractérisées par des contextes et des pratiques très variées. C’est d’ailleurs, à mon sens, ce qui explique l’imprévisibilté des effets des lois récentes sur la réduction du temps de travail.

Sans développer davantage cette question (d'actualité) des enjeux sociétaux, j'aborderai successivement trois points : l'accroissement des contraintes temporelles, et ses raisons ; l'émergence historique du temps-durée comme mesure fondamentale de la contribution productive ; la crise actuelle de ce schéma classique, que j'illustrerai en distinguant trois grands types de situations productives : les situations d'interaction avec des clients ou des usagers (front-office), les situations d'exploitation-maintenance des systèmes techniques supports, les situations de conception.

1. Le durcissement des contraintes temporelles

Deux aspects, liés entre eux, mais qui méritent d'être distingués, expriment ce durcissement. D'abord, le temps-durée — le temps-enveloppe, les horaires — constitue un paramètre d'organisation de la production dont l'importance ne cesse de croître, à l'opposé de l'image parfois présentée d'une sorte de désynchronisation généralisée. La tendance vers le fonctionnement en continu des systèmes techniques est une tendance fondamentale. Elle est auto-entretenue par la logique économique : plus on automatise, plus le poids du capital dans la formation des coûts est élevé, plus on a intérêt à faire tourner les machines en permanence. Elle se combine avec les exigences accrues de synchronisation entre les diverses unités productives, qu'elles soient internes ou externalisées. Les réseaux logistiques (au sens large) tissent une toile invisible de plus en plus contraignante, sur de grandes distances, dans laquelle l'aspect essentiel n'est pas le temps absolu de relation entre les unités, mais la fiabilité temporelle de ces relations. Ainsi, la diversification et la flexibilisation des horaires de travail est certes une réalité (le nombre de salariés déclarant qu'ils n'ont pas d'horaire habituel était, dès 1991, proche de 20 %). Mais cette diversification doit néanmoins compter avec un renforcement considérable des contraintes qu'on pourrait appeler "contraintes d'horloge", qu’il s’agisse de contraintes de présence effective ou de contraintes d’astreinte. Notons au passage que, si ceci s'applique essentiellement aux activités "industrielles", ces contraintes se manifestent aussi, de plus en plus, dans les domaines des services.

L'autre aspect fondamental est l'accroissement, constaté à la fois par les enquêtes statistiques et par d'innombrables observations, de la "pression temporelle" vécue par les travailleurs, et qui Il ne s'agit plus là seulement du temps d'horloge, de contraintes de durée et de présence, mais d'une réalité beaucoup plus complexe que suggère bien la polysémie du terme "pression". Je ne développerai pas ici ce point — qui excède de beaucoup ma compétence — sur lequel les publications issues des enquêtes Conditions de travail et TOTTO (voir notamment Gollac, Volkoff, 1996, Cézard, Vinck, 1996, Cézard, Dussert, Gollac, 1992) ainsi que des enquêtes qualitatives concernant notamment les effets du "Juste-à-temps" dans l'automobile (voir notamment Clot, Rochex, Schwartz, 1989, Gorgeu, Mathieu, 1995) fournissent des éléments convergents. Le résultat principal qui ressort de ces observations est sans aucun doute l'accroissement de la pression liée au marché, à la demande, aux clients, et la remontée de cette pression vers des sphères de l'entreprise qui en étaient jadis relativement protégées — par les stocks et, plus généralement, par toute une organisation de production visant à stabiliser les zones de routine en les soustrayant aux variations permanentes et imprévisibles de la demande. Ainsi, de 1984 à 1993, le pourcentage de salariés déclarant que leur rythme de travail était déterminé par la cadence d'une machine a augmenté de 4 % à 7 %, alors que la fréquence du motif "demande des clients ou du public" passe de 39 % à 58 %, et celle du motif "normes et délais à tenir en un jour ou moins" de 19 % à 44 %. (Acquain, Bué, Vinck, 1994). Bien entendu, ces différents motifs se combinent différemment selon les catégories professionnelles. Par exemple, les ouvriers qualifiés ressentent à la fois les contraintes techniques et les contraintes de demande, alors que les ouvriers non qualifiés ressentent surtout les secondes. Mais, de manière générale, dans l'industrie, la part de la population où les contraintes machiniques et les contraintes de demande se combinent augmente, alors que, dans le tertiaire, curieusement, on observe un certain tassement de la pression de la demande ressentie par les salariés. Il faudrait ici, bien entendu, être beaucoup plus précis, et tenir compte en particulier de la combinaison variable entre pression temporelle et marges de manœuvre ou d'autonomie. (Un travail sous forte pression mais laissant une forte autonomie n'est évidemment pas comparable à un travail combinant pression et absence d'autonomie : sur le croisement de ces deux variables, dans le modèle dit de Karasek, voir Cézard, Vinck 1996). Il faudra surtout mieux spécifier l'analyse des rythmes et de la capacité d'action (ou non) des travailleurs à l'égard de ces rythmes. Plus que la vitesse absolue d'exécution du travail, la pénibilité temporelle semble en effet liée à l'absence de contrôle sur des rythmes exogènes, à l'imposition de cadences qu'on ne peut pas apprivoiser ou structurer en "styles temporels" de travail (Cru, Berthet, 1998). D'autre part, travailler vite et sous contraintes fortes ne se vit pas de la même manière dans un environnement formalisé et structuré et dans un environnement chaotique et marqué par l'urgence aléatoire. Enfin, il est important de noter que les délais les plus contraignants ne semblent pas nécessairement les délais très courts (comme ceux des tâches traditionnelles taylorisées) mais les délais du type "journée" (directement liés aux contraintes commerciales et logistiques). Au total, il est peut-être exagéré de dire que dans la temporalité du travail les caprices du marché ont remplacé la tyrannie du chronomètre taylorien (ou de la hiérarchie), car ces diverses contraintes cohabitent souvent. Mais le déplacement est flagrant.

D'où vient-il ? Il me paraît important de souligner ici la profondeur des racines de ces changements, qui ne sont certainement pas réductibles à une mode managériale qui trouverait plus commode de cadencer le travail par le client plutôt que par la hiérarchie ou des normes de type taylorien. L'objectif immédiat de réduction des stocks et des sécurités coûteux en termes financiers — ou plutôt : ce qu'on peut appeler le mistigri des stocks, où chacun cherche à les repasser au voisin, déclenchant ainsi un processus systémique plus ou moins incontrôlé — est un élément important. Mais il n'est que la face émergée de l'iceberg. Plus général et plus profond est le développement de ce que les consultants ont baptisé une "compétition basée sur le temps", qui touche aussi bien les secteurs de conception, les secteurs de services que les secteurs industriels proprement dits. Cette compétition basée sur le temps résulte elle-même d'une double logique : une logique financière, une logique commerciale et concurrentielle. D'un côté, la montée en puissance, extrêmement rapide, d'acteurs financiers privilégiant la stabilité des rendements sur la prise de risque et sanctionnant les firmes dont elles sont actionnaires par une mobilité sans précédent des capitaux tire l'ensemble du système productif vers le court terme, impose une ambiance de résultats rapides et des exigences de rentabilité immédiate, qui par de multiples et complexes médiations conduisent à réduire les délais de toute nature, en particulier les délais de développement de nouveaux produits. D'un autre côté, et depuis plus longtemps, l'éclatement des oligopoles nationaux au profit d'oligopoles mondialisés beaucoup plus instables a considérablement durci les contraintes concurrentielles pour les grandes firmes et, par cascades successives, pour leurs fournisseurs. Ceci s’est traduit par la superposition d'une concurrence traditionnelle par les prix et d'une concurrence par la différenciation, cette dernière étant d'autant plus décisive qu'on se trouve dans des pays à monnaie forte et à salaires élevés. Or, dans les stratégies de différenciation, quelle option reste ouverte lorsque les normes de qualité et les normes de diversité des produits sont à peu près homogénéisés, lorsque tous les producteurs proposent des produits ou des services à peu près aussi fiables et diversifiés? C’est l’option qui consiste à aller plus vite que les autres. Le temps (de développement de nouveaux produits, et de mise à disposition de ces produits sur les marchés.) devient un élément discriminant central. S'enclenchent alors des logiques de course de vitesse qui sont très peu régulées, parce que s’y développent toutes sortes de feed-backs positifs qui entretiennent le mouvement au lieu de le freiner. Ainsi, il n'est pas du tout certain que le "marché" réclame une diversification et un renouvellement aussi frénétique des produits que celui auquel nous assistons. C'est le produit direct d'un mode de concurrence où il est vital d'arriver avant le voisin. Au total, c’est bien le critère de « réactivité » qui devient le critère organisateur crucial dans les firmes, au point souvent de menacer les capacités d’innovation véritable( et pas seulement cosmétiques), capacités qui appellent la possibilité de prendre du recul, de dégager des ressources soustraites aux temporalités ultra courtes du marché. Ce besoin de recul (« sortir le nez du guidon ») est d’ailleurs l’une des plaintes les plus universellement formulées dans les enquêtes que nous menons, des opérateurs de base jusqu’aux cadres.

2. Le modèle de la valeur-temps et son émergence historique

On aura compris, au vu de ce qui précède, que ma thèse n'est absolument pas celle d'une obsolescence de la dimension temporelle considérée comme dimension régulatrice et même ordonnatrice de la production. Il n'en reste pas moins — j'en viens au deuxième volet du paradoxe que je veux illustrer — que nous sommes en face d'une crise profonde de la forme particulière par laquelle l'univers industriel classique a lié la temporalité et l'efficacité, l'économie en quelque sorte "technique" du temps et la production de valeur marchande ou utile. Or cette forme est encore très prégnante dans les représentations et dans l'instrumentation de gestion. Ce qui est en cause ici n'est pas le rôle structurant du temps (des temporalités multiples et complexes) dans l'efficacité productive, c'est la pertinence d'un modèle très spécifique qui s'est construit à la fois dans l'économie politique classique (depuis Smith et Marx) et dans la "micro-économie" plus ou moins explicite des ingénieurs et des organisateurs : modèle dans lequel le temps d'activité est devenu l'étalon central, voire unique, de mesure des coûts mais aussi de la valeur produite. Et pas n’importe quel temps : un temps homogène, séquentiel, additif. Pour expliciter cela, un bref et schématique détour historique est nécessaire.

Dans le monde artisanal pré-industriel, il n'y a guère d'étalon-temps pour la valorisation de l'activité. Certes, dès le Moyen-Age, le temps urbain, temps de l'horloge, commence à objectiver le temps de l'activité. De plus, l'idée que le chrétien ne doit pas perdre son temps, don de Dieu, est très forte (Le Goff, 1977). Mais, du point de vue de la valeur, le monde artisanal est dominé par les critères de qualité, et surtout de qualité incommensurable d'un bien ou d'un marché à l'autre. Rappelons d'ailleurs, au passage, que c'est précisément cette diversité à la fois principielle et contingente des métiers qui, dans la Grèce antique, justifiait en grande partie la dévalorisation du travail artisanal, l'unité de la Cité ne pouvant en aucune manière se fonder sur un univers aussi hétéroclite, lié à des dons et à des dispositions particuliers, que celui des métiers (Vernant, 1965). Or, avec l'émergence de l'industrie classique va progressivement émerger l'idée révolutionnaire qu'il existe, en-deça même de la variabilité des valorisations produites par le marché, le jeu de l'offre et de la demande, un référentiel objectivable et susceptible à la fois d'"expliquer" théoriquement la valeur et de faciliter considérablement la coordination pratique de la production de cette valeur. Ce référentiel est celui du temps d'activité : "temps" signifiant ici temps-durée homogène et additif et, implicitement, dépense d'une énergie stable pendant cette durée.

Les avantages de la division du travail tels qu'ils sont présentés par Smith ou Babbage sont des gains de temps-durée. Et personne n'exprimera la théorie de la valeur-travail comme valeur-temps avec plus de vigueur que Marx. "De même que le mode d'existence quantitatif du mouvement est le temps, de même le mode d'existence quantitatif est le temps de travail" Et encore : "Toutes les marchandises ne sont que des mesures déterminées de temps de travail coagulé". Même le travail complexe (point délicat de la théorie marxiste) se distingue pour Marx du travail simple par le temps (Marx, 1972 ).

Ces grandes visions d'économie politique, d'une part, se déploient sur le fond d'un processus pratique d'organisation industrielle qui va progressivement opérationnaliser le temps-durée comme unité de compte fondamentale de la coordination et de la contribution productive. Ce processus est dominé par un idéal analytique de décomposition-recomposition de plus en plus élaboré des métiers, des tâches, et des gestes, terreau ancien dont A. Picon note déjà la présence chez les encyclopédistes (Picon, 1992), duquel finira par surgir la construction taylorienne structurée autour de la notion d'opération unitaire, objectivée et prescriptible par une séquence temporellement additive. Cette montée en puissance du référentiel temporel a été bien entendu un processus complexe. Un premier moment est celui de l'émergence d'une vision scientifique du travail comme "dépense mécanique", ou "monnaie mécanique" (comme l'écrivait Navier en 1819) au carrefour de l'économie de la production, de la théorie des machines en mouvement et de la mécanique rationnelle (Chatzis, 1997). Le deuxième moment est celui où cette monnaie mécanique, énergétique, est convertie en monnaie temporelle, infiniment plus maniable parce qu'immédiatement mesurable. Mais il importe de se souvenir que les "temps tayloriens" ne sont, implicitement, qu'une approximation d'une dépense de travail-énergie. Hors du contexte du travail principalement énergétique, l'équivalent-temps change complètement de nature. Emerge ainsi progressivement un "modèle d'organisation" — qu'on pourrait aussi caractériser comme un "modèle général de productivité" — dont le noyau est constitué par une économie de temps particulière, et que nous avons proposé, avec P. Zarifian, de caractériser par trois composantes essentielles (Veltz, Zarifian, 1994) : le rôle central de la notion d'opération comme unité isolable, segmentable, descriptible comme une séquence de sous-opérations machiniques et humaines caractérisées avant tout par un temps, et constituant simultanément — c'est le point essentiel — l'unité de compte technique et l'unité de compte économique de la production (mesure des coûts et mesure de la valeur) ; une vision de la coordination et de la coopération principalement séquentielle et additive, dans laquelle, idéalement, les ajustements réciproques et même le rôle de la hiérarchie passent au deuxième plan derrière le ballet mécanique et silencieux des opérations qui s'enchaînent ; une séparation croissante entre les univers de routine ainsi organisés et les sphères de l'innovation et de l'apprentissage, qui échappent à ces normes.

Précisons bien qu'il s'agit ici du référentiel. Que la réalité soit plus complexe, que le travail réel soit profondément différent du travail prescrit n'enlève rien à la force structurante du modèle. Soulignons aussi que cette construction n'est pas seulement technique et économique. Elle sous-tend également la construction de la relation salariale moderne dans laquelle vient se loger le même temps homogène et abstrait. Dans le salariat, le salarié met à disposition de l'employeur une plage temporelle au moins autant que des capacités spécifiques. En sens inverse, la référence temporelle limite la sujétion du salarié et étalonne (objective) la valeur d'échange du travail, tout en consacrant la fiction d'un travail détachable de la personne du travailleur (Supiot, 1994).

3. Crise de la valeur-temps taylorienne et diversité des temporalités

La thèse que je défends est celle-ci. En tendance, et dans un très grand nombre de situations productives, les représentations canoniques qu'on vient d'évoquer, profondément incrustées dans les esprits mais aussi cristallisées dans les normes de gestion, sont désormais en porte-à-faux. Pour deux grandes raisons qu’il est utile de distinguer. D'une part, l'économie technique du temps ressemble de moins en moins à l'économie taylorienne du temps. En particulier, la continuité et l'homogénéité du temps-durée font place à une dynamique temporelle à la fois plus coulée, où les tâches élémentaires s'enchaînent et se structurent en rythmes et en styles — ceci renvoyant à un très vieux débat entre les tayloriens purs et durs, partisans de l'additivité des temps, et des contestataires considérant celle-ci comme une fiction —, et aussi plus discontinue, hétérogène, où des interventions ponctuelles ont des effets souvent incomparablement plus importants que les dépenses continues d'énergie. D'autre part, et surtout, les facteurs qui expliquent la création de valeur se déplacent sur des plans qui sont, au moins en partie, rigoureusement étrangers aux coordonnées temporelles, ou, pour dire les choses plus simplement, que le temps passé ne permet absolument pas de mesurer. La qualité et la pertinence des coopérations nouées dans et autour de l'activité et des processus de communication qui sous-tendent ces coopérations jouent en particulier un rôle absolument décisif dans la performance et la création de valeur. Or cette qualité, cette pertinence ne sont évidemment pas mesurables directement en temps, et surtout pas en temps « taylorien ». (Même si bien sûr, le temps joue un rôle : dans la construction des relations, des apprentissages communs, etc. Nous y reviendrons). La productivité-débit existe toujours — oh combien, dans certains secteurs et certains lieux ! — mais, de plus en plus, la productivité est événementielle et communicationnelle. Le substrat de travail n'est plus seulement ou prioritairement constitué d'objets physiques ou de processus stables, mais de relations entre les humains et d'événements à maîtriser et à structurer. (Ces points évoqués ici de manière nécessairement allusive sont développés dans les travaux de notre équipe. Voir par exemple : Zarifian, 1995 ; Zarifian, 1997 ; Veltz, 2000)

Pour illustrer cela, il me semble utile de puiser des exemples dans trois sphères où ces logiques se déploient de manière à la fois convergente et distincte. La première sphère est celle des activités qui impliquent un contact direct avec les clients ou les usagers (front-office, guichet, tâches commerciales, etc.). Paradoxalement, c'est sans doute dans cette sphère, qu'on pourrait appeler celle des "travailleurs du front" que le modèle de la productivité-débit reste souvent le plus pertinent et tend à se déployer le plus largement. Mais il ne faut pas oublier que le temps-débit reste ici en tension structurelle avec les composantes événementielles et relationnelles radicalement hétérogènes au temps taylorien. Une opératrice téléphonique dans un call-center est jugée sur le nombre d'appels traités à l'heure. Encore faut-il qu'elle donne des informations pertinentes et qu'elle parvienne à maîtriser une situation relationnelle complexe avec l'appelant. Dans un bureau de conseil, on peut mesurer analytiquement le temps passé par les consultants, mais le bon sens élémentaire permet de comprendre que cette mesure ne dit rien sur la qualité de la prestation, sur ce qui fait que le client reviendra ou non vers ce bureau. Ces remarques triviales devraient bien entendu être affinées par les résultats des nombreuses observations et analyses dont on dispose aujourd'hui sur ces tâches relationnelles et les tensions formidables qu'elles engendrent chez les travailleurs, précisément parce que les modèles de standardisation, et notamment de standardisation temporelle, se révèlent profondément décalés avec la réalité vécue et qu'il revient aux agents de base de combler cet écart impossible. (Voir notamment les travaux rassemblés par Joseph, Jeannot, 1995). Soulignons simplement deux points. Les tâches relationnelles ne sont pratiquement jamais réductibles au contact immédiat avec le client, mais sont en général des tâches d'interface complexe mettant en relation le client avec les réseaux-support ou les coulisses de l'organisation, et ceci est rarement pris en compte dans l'évaluation de ces tâches. D'autre part ces tâches se déploient toujours sur de multiples registres mêlés : les registres contractuels et normatifs y sont indissociables des registres tels que la civilité ordinaire ou la "bienveillance" (Joseph, 1998 ; Borzeix, 1995). Ce faisant, la tâche immédiate renvoie donc, et c’est essentiel de le souligner à des temporalités complexes, qui vont bien au-delà du déroulement instantané de la relation et qui concernent les apprentissages individuels et collectifs, les modes de socialisation au travail et hors travail.

La deuxième sphère est celle des "travailleurs de l'arrière", c'est-à-dire de ceux qui sont chargés d'exploiter, de maintenir, d'améliorer le fonctionnement des systèmes techniques supports des prestations de service ou commerciales proprement dits. Paradoxe, encore : cette sphère, la plus proche du monde industriel classique, est probablement celle où les schémas traditionnels sont aujourd'hui les moins pertinents. Pour un réseau de transport, de télécommunications, d'énergie, pour un atelier ou une usine automatisés, une question domine aujourd'hui la scène technique et économique : c'est celle de l’économie de capital et donc de la fiabilité technique. Le volume du capital-machine par travailleur augmente, dans cette sphère, rapidement et avec une régularité remarquable depuis au moins 30 ans. La réduction des coûts, dans cette sphère technique, est beaucoup plus directement liée à l'économie des machines (en dimensionnement et en exploitation) qu'à la main-d'œuvre. Or ces systèmes techniques, en raison de l'irrésistible tendance à intégrer par l'informatique des sous-ensembles en ensembles interconnectés de plus en plus vastes, sont aussi de plus en plus fragiles, à cause de leur dépendance croissante par rapport aux pannes locales. La question de la fiabilité des composants et des ensembles est donc cruciale à la fois du point de vue des coûts — notamment parce que la fiabilisation permet de réduire considérablement les investissements : on a ainsi observé, au début des années 90, que les tôleries automobiles automatisées au Japon coûtaient en investissement près de deux fois moins, à volume de production égal, que les tôleries européennes ! () — et bien sûr du point de vue de la valeur, c'est-à-dire de la qualité et de la continuité de la prestation. Or, la nécessité de transformer ainsi le temps des machines en temps homogène et lisse (taylorien, en quelque sorte !) implique une économie du travail fondamentalement non-taylorienne. Bien entendu, la fiabilité d'un système technique complexe repose largement sur la précision, la justesse et l'intensité avec laquelle sont effectuées certaines tâches routinisées. Elle suppose aussi un degré élevé de formalisation (écrite) des activités. Mais l'observation fine montre qu'elle repose surtout sur deux autres facteurs : (a) la capacité d'intervenir au bon moment, de manière souvent très discontinue (en tout ou rien : entre l'instant t et l'instant t plus une minute, les gains ou les dommages peuvent être considérables), avec un degré de qualification élevé reposant sur la maîtrise de procédures formalisées mais aussi et surtout sur des capacités analogiques de diagnostic ancrées dans l'expérience et partagées (de Coninck, 1995) ; (b) la qualité des échanges d'information et d'expérience au sein du collectif-réseau des travailleurs qui gravitent autour du système en exploitation, mais aussi entre les exploitants et les concepteurs, les exploitants et les usagers. Là encore, les dimensions temporelles ne sont évidemment pas effacées, mais elles se séparent profondément du temps-débit ou du temps-énergie taylorien. On assiste en fait à un éclatement, à la combinaison de multiples temporalités qui sont toutes, d'une certaine façon, immédiatement actives dans la production.

Situation routinisée taylorienneSphère de machinerie complexe

- temps-débit machine

- temps événement/relation (court)

Valeurs-clé : temps-débit humain - temps de construction des ajustements

des règles et du réseau de travail (moyen)

- temps d'accumulation des expertises individuelles et collectives (long)

La troisième sphère est celle des activités de conception des produits et des procédés. Un phénomène essentiel dans cette sphère, déjà signalé, est l'accroissement de la pression sur les délais globaux de conception. Réduire la durée des phases d'innovation et de développement est crucial dans un contexte où les cycles de vie des produits sont eux-mêmes en réduction accélérée. Dans un univers qui avait été traditionnellement disjoint des univers taylorisés de l'exécution et qui est resté longtemps marqué par sa proximité avec le monde artisanal de l'invention, on constate ainsi une montée rapide des formes de standardisation et de normalisation, en particulier temporelles. Néanmoins, là encore, il ne peut s'agir d'un retour pur et simple à l'économie de temps taylorienne. S'agissant d'activités où la dimension cognitive est essentielle, chacun sait que les temporalités de l'innovation et de la résolution de problème sont fortement discontinues. Le temps de maturation et d'expression des idées est marqué de piétinements et d'accélérations imprévus. D'autre part, les processus de conception concernant des objets ou des services complexes — automobiles, grands logiciels, ouvrages de génie civil, par exemple — et s'appuyant sur des collectifs de travail nombreux et foisonnants, à géométrie variable selon les phases de la conception, ont cette particularité que l’on n’arrive pratiquement jamais à les enfermer dans un cadre linéaire et séquentiel. Le graphe d'activités n'est jamais linéaire, mais au mieux arborescent, et généralement en réseau maillé, avec des connexions dans tous les sens et des effets de retours en arrière fréquents. Chaque concepteur de sous-ensemble est ainsi en contact avec de nombreux autres, et pas seulement en aval et en amont d’une sorte de chaine. Dans ces conditions, l'intelligence de l'organisation et la qualité de la coopération sont déterminantes. Telle pièce dont la conception peut exiger une journée ou moins si tous les concepteurs sont réunis au bon moment et au bon endroit peut traîner des mois si les structures d'organisation ne sont pas bonnes. C'est ainsi, par exemple, que les temps de mise au point des outils de presse pour un projet automobile peuvent varier du simple au triple, ou plus, alors qu'ils sont sur le chemin critique du projet. Bien entendu, ce que j'appelle ici l'"intelligence de l'organisation" ne se limite pas aux schémas formels. Les dimensions relationnelles, la confiance entre les acteurs, l'adéquation et le partage des compétences y jouent un rôle central.

On voit qu’une conclusion se dégage qui vaut pour les trois sphères ici envisagées : le petit tableau présenté à l’instant pour la sphère technique est en réalité largement généralisable. Les temporalités qui sont liées à la création de valeur sont non seulement discontinues, mais en quelque sorte stratifiées, feuilletées. Le hic et nunc de la production efficace est de moins en moins séparable d’autres temporalités, liées notamment à l’importance décisive des apprentissages collectifs et de la constitution de réseaux de savoirs distribués. C’est pourquoi l’antinomie entre cette réalité et les logiques court-termistes de la finance et de la concurrence

est plus qu’un paradoxe, mais une contradiction, au sens fort du terme. Certains objecteront peut-être que cette présence des temporalités longues dans la production n’est pas neuve : les entreprises ont toujours mobilisé chez les travailleurs davantage que des plages de temps immédiates et du travail en « temps réel », notamment en s’appuyant sur des qualifications sociales acquises dans la sphère hors-travail, les structures familiales, communautaires, sans parler de l’énorme soubassement du travail domestique ; mais la nouveauté me paraît réelle dans le double sens où ces temporalités décalées, longues ou moyennes, sont beaucoup plus directement actives, prégnantes, et où elles renvoient plus aux sphères organisationnelles elles-mêmes et aux dimensions cognitives du travail, qu’aux sphères englobantes de la vie « civile » et des comportements « traditionnels ».

4. Au delà du modèle de la productivité : des enjeux pratiques essentiels

Je laisserai de côté ici les questions macro-économiques et macro-sociales évoquées en introduction (encore qu’il y aurait beaucoup à dire en partant des remarques précédentes sur les ambiguités du débat sur les 35 heures) pour me concentrer sur le niveau de l'entreprise. A ce niveau, une première conséquence essentielle des phénomènes qu'on vient d'esquisser est une véritable crise de la représentation gestionnaire du travail, quant à son apport économique. Le temps taylorien est explicitement et implicitement au cœur de la représentation traditionnelle du coût et de la valeur produite par le travail, et la dé-corrélation même partielle entre temps, coût et valeur déstabilise tout l'édifice, même si les systèmes de gestion continuent de fonctionner sur leur lancée. La notion de "productivité du travail", en particulier, devient extrêmement confuse, et souvent perverse, non seulement parce qu'elle isole un facteur de production qui n'est pas isolable (notamment en milieu automatisé) mais aussi et surtout parce que son sens se dérobe dès lors que le modèle du débit ne fonctionne plus. Ce qui a été souligné pour les services, où la productivité est une fraction dont on ne connaît ni le numérateur ni le dénominateur (Gadrey, 1997) s'applique aussi, en réalité, très largement dans les autres sphères que nous avons évoquées. On se trouve donc, de plus en plus, dans la situation où les entreprises utilisent des outils de mesure de leur efficacité qui sont en fait décalés par rapport à ce qui explique vraiment cette efficacité. Par exemple, ni la qualité des coopérations, ni l'ajustement des compétences, ni la pertinence des dynamiques relationnelles ne sont instrumentés, alors qu'ils expliquent souvent l'essentiel des coûts et de la performance et de leurs écarts entre divers sites. Du même coup, on comprend pourquoi la question des effectifs et de l'emploi est si problématique et obscure : l'emploi est homogène à un nombre total d'heures travaillées, c'est un paramètre aisément mesurable et maniable, une variable d'ajustement plus ou moins douloureuse mais disponible et visible, alors que les mécanismes réels de création de valeur (et même de génération des coûts) restent obscurs. (Sur ces points voir Beaujolin, 1998 et Ginsbourger, 1998).

Une deuxième remarque essentielle à mes yeux est que les tensions liées aux temporalités, et notamment celles qui découlent du rabattement vers le court terme évoqué plus haut, n'opposent pas seulement les intérêts des salariés et ceux des employeurs, des firmes ou de leurs actionnaires. Ces tensions et ces contradictions sont aussi, dans une large mesure, internes à l'espace de l'efficacité économique marchande. Car si l'instrumentation et les logiques d'acteurs dominants poussent vers les temporalités courtes, une analyse plus fine — dont de nombreux managers sont conscients, même s'ils n'arrivent pas à la quantifier — montre que la firme a aussi besoin de stabilité, d'accumulation, de durée. Il y a, pour prendre une image, les "sucres rapides" et les "sucres lents" de la performance. La réactivité et la flexibilité elles-mêmes ont besoin non seulement de s'appuyer sur des règles, mais sur des processus et des procédures fiabilisées. Pour faire image encore, on répare mieux une machine, on reconvertit plus facilement un processus lorsqu'on les connaît à fond, lorsque les apprentissages individuels et collectifs permettent une certaine maîtrise. L'efficacité, même en se limitant à des critères restreints de réactivité, suppose donc la prise en compte conjointe des diverses temporalités évoquées ci dessus.

Une dernière remarque est que cette obsolescence progressive de l'étalon-temps taylorien n'est pas sans rapport avec la montée des formes d'organisation en réseau et en particulier avec le développement de l'externalisation des tâches. Dès lors que l'analyse a priori des temps et l'organisation de processus planifiés à partir de ces temps ne constituent plus un dispositif pertinent d'évaluation et de pilotage, la tentation est grande d'évaluer et de piloter par les résultats, ex-post et non plus ex-ante : c'est-à-dire de fixer des objectifs et d'organiser le contrôle à partir de ces contrats d'objectifs et non plus à partir de la prescription des voies et moyens permettant de les atteindre. Nous sommes là en face d'un basculement de grande ampleur, qui ne résulte pas uniquement de la diffusion d'une idéologie néo-libérale mais bien d'une puissante dynamique interne des systèmes productifs. Et ce ne sont pas seulement les formes d'organisation des firmes ou des systèmes de firmes qui sont concernées, mais la conception du travail lui-même, prestation à fournir et non plus tâche prescrite à accomplir.

Ce basculement de l'objectivation bureaucratique vers la une forme de dés-objectivation marchande (qui est bien entendu une autre forme d’objectivation) comporte des menaces considérables pour les travailleurs. N'oublions pas que si les formes les plus dures d'intensification du travail ont été construites autour de l'objectivation des temps, cette dernière était aussi, et reste, dans une certaine mesure, le socle des protections. Faut-il, pour autant, cultiver la nostalgie plus ou moins avouée du taylorisme ? Le recul du travail enchaîné au temps est un progrès, et on peut même regretter qu'il n'aille pas plus vite. Le problème est de ne pas laisser ce basculement s'opérer dans la jungle des rapports de force brutaux et de faire reconnaître effectivement, à travers notamment des formes juridiques et institutionnelles rénovées, la pluralité des temporalités engagées dans l'acte productif, sans parler bien sûr des temporalités de la vie qui enveloppent et excèdent celle de la production.


Références

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Ceci en raison de différences à priori mineures dans la fiabilité des robots de base, qui, de fil en aiguille, obligeait à mettre des stocks-tampons entre les lignes robotisées, à automatiser ces stocks qui eux-mêmes tombaient en panne, etc. (voir, sur cet exemple très significatif, Veltz, 1996). Cette non-linéarité est caractéristiques des systèmes techniques modernes et explique une dispersion des performances économiques considérable selon les unités et les sites.