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P. Veltz. La crise des hiérarchies

in Coutard O (ed). Le bricolage organisationnel. Crise des cadres organisationnels et innovations dans la gestion des entreprises et des territoires, Elsevier, 2001

 

 

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Qu’il s’agisse de l’entreprise, du territoire, de la société civile ou de la société politique, le schéma d’organisation fondamental, celui qui est le plus répandu dans la pratique et celui qui se présente le plus spontanément à notre esprit, est un schéma de niveaux emboîtés, reliés par des liens hiérarchiques. En termes de théorie des systèmes, l’emboîtement et la hiérarchie sont d’ailleurs deux propriétés à distinguer. L’emboîtement signifie que le système global peut être « décomposé » en sous-systèmes de niveaux distincts, tels que les sous-systèmes de niveau j sont les éléments des sous-systèmes de niveau j + 1. La hiérarchie signifie que les relations entre les niveaux sont fortement asymétriques, les niveaux supérieurs pouvant orienter voire piloter les niveaux inférieurs, alors que la réciproque n’est pas vraie. Les sous-systèmes de même niveau entretiennent, d’autre part, des relations plutôt quelconques entre eux (). En termes de décision, les décisions du haut descendent en cascade vers le bas, et il y a une assez stricte correspondance entre les niveaux d’organisation et les référentiels spatiaux et temporels des décisions. Dans l’entreprise, par exemple, les décisions de long terme et de grande portée géographique reviennent au siège et non pas aux établissements de base. Dans le système politique, c’est l’Etat qui est garant du long terme et non la commune. L’extrême prégnance de ce schéma tient sans doute au fait qu’il est extrêmement répandu dans la nature, dans le monde vivant en particulier, et qu’il est très accessible à l’imagination spatiale, visuelle. La carte administrative de la France (du canton à la nation, en passant par les arrondissements, les départements, les régions) en est une image simple et parlante, de même que l’organigramme de l’entreprise fayolienne. Nous avons tous, quand nous étions enfants, composé des adresses sur le modèle : « moi, telle rue, telle ville, France, Europe, galaxie,
univers … ». Ce schéma, d’autre part, est de plus en plus associé au concept de « subsidiarité », concept qui s’est considérablement popularisé en France depuis quelques années, (en provenance surtout de Bruxelles), et qui est généralement assimilé, de manière très approximative, à l’idée que chaque problème renvoie à un niveau en quelque sorte « naturel » d’expression et de traitement de ce problème.

Face à ces représentations simples, claires, robustes, on voit bien, toutefois, qu’émergent de nombreuses tendances qui, au sens propre, brouillent les cartes. Comment, par exemple, représenter les « pays » (qui croisent cantons et arrondissements), les innombrables zonages spécifiques (SIVOM ou autres), les territoires-réseaux qui se constituent autour des grandes infrastructures ? Quelle place donner, dans nos images de l’entreprise, aux structures matricielles qui fleurissent dans tous les sens, ou aux réseaux horizontaux innombrables qui se tissent entre unités, au sein d’une firme ou en dehors de celle-ci ? Comment concilier les images traditionnelles des territoires économiques et sociaux en zones juxtaposées avec le territoire fragmenté, en réseau ou en archipel, que révèle l’analyse des flux effectifs de communication et d’échanges ? S’agit-il de variations de second ordre sur une trame primaire toujours sagement ordonnancée selon le modèle des niveaux emboîtés et hiérarchisés, ou s’agit-il de remises en question plus radicales ?

Rencontrant au sein du LATTS ces questions dans les domaines divers de nos recherches – entreprises industrielles ou tertiaires, systèmes territoriaux, grands services en réseaux – il nous a semblé intéressant de confronter ces domaines, avec l’espoir que de cette confrontation pourrait surgir non pas une vision unifiée mais une capacité accrue de spécifier les problèmes, de poser les bonnes questions et d’en discerner les enjeux. Paradigme du réseau contre paradigme de la hiérarchie ? L’opposition tend à devenir banale, ressassée. A ce degré de généralité, elle ne dit pourtant pas grand chose. Nous avons organisé ces journées, dont voici quelques échos, pour tenter de savoir s’il faut ou non parler de « crise » de ce modèle qu’on pourrait qualifier de modèle des poupées russes, quelles sont les causes et les conséquences de cette crise, et aussi quelles leçons pratiques on peut en tirer pour l’action.

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A première vue, les grandes évolutions repérables semblent paradoxales. D’un côté, parler de recul absolu de la hiérarchie et de l’emboîtement paraît absurde. De certains points de vue, on pourrait même considérer que les modèles hiérarchisés traditionnels d’organisation et de décision se renforcent. Avec une caractéristique particulière : la tendance à l’autonomie croissante des niveaux bas. C’est ce que l’on constate dans les grandes firmes, où la modularisation des niveaux élémentaires – multiplication de structures du type business unit, ou cellules autonomes au sein des établissements – va de pair avec un déplacement profond des formes d’autonomie et de contrôle de ces niveaux, sans remettre en cause radicalement l’emboîtement et l’asymétrie des relations. Le contrôle par les objectifs se substitue de plus en plus au contrôle par les moyens ou par les procédures détaillées, et il s’accompagne d’une autonomie croissante quant aux chemins suivis pour atteindre ces moyens. Les niveaux inférieurs sont davantage traités comme des « boîtes noires » par les niveaux supérieurs. Des tendances analogues s’observent dans les systèmes politiques territorialisés : décentralisation, subsidiarité, exaltation de la gestion de proximité sont des thématiques assez générales, et traduisent, entre autres, le fait que les structures centrales ne se sentent plus capables de réguler finement les niveaux élémentaires – ou ne veulent plus s’en charger.

D’un autre côté, toutefois, on voit bien que les évolutions les plus profondes ne se limitent pas à des redistributions de pouvoir – de marges d’autonomie et de capacités de contrôle – sur l’échelle des niveaux, ni à la réduction ou à l’augmentation du nombre de ces niveaux (). D’autres phénomènes sapent plus sournoisement la structure même du modèle des poupées russes. Ils expriment la montée d’interdépendances multiples entre les niveaux et au sein des niveaux : autrement dit, en termes de théorie des systèmes, ils jettent un doute sur la pertinence même de la « décomposition » du système en sous-systèmes.

Je noterai trois tendances.

La première est celle de l’émergence de  courts-circuits de plus en plus fréquents entre le local et le global et la crise qui en résulte des niveaux intermédiaires.

A large échelle, cette tendance est au cœur de ce que l’on hésite désormais, tant le mot est utilisé à toutes les sauces, et généralement chargé d’opprobre, à appeler la « mondialisation ». Partout, ou presque partout, le local tend à être directement en contact, en lien, avec le global, en shuntant les niveaux intermédiaires. Du même coup, d’ailleurs, le local retrouve souvent de la vigueur, non seulement négativement, par réaction ou par protection, comme on le souligne en général, mais aussi positivement, en apparaissant comme une échelle pertinente de création de richesse et de savoir (). Le fond de la question, dans ces nouveaux rapports du global et du local, est qu’il n’y a plus congruence entre la proximité spatiale et l’intensité des liens et des interactions. Même si les interdépendances locales restent en général plus fortes que les interdépendances non-locales, ces dernières ne sont plus vraiment affectées par la distance. Les liens à moyenne distance n’ont plus de raison d’être sensiblement plus intenses que les liens à très longue distance. Pour faire image : les échanges de personnes ou de biens ne sont pas radicalement plus coûteux entre Paris et Tokyo qu’entre Paris et Munich, ou entre Paris et Autun, alors qu’ils l’étaient encore il y a quelques décennies. Le bel étagement des proximités et des distances qui a joué un rôle tellement central dans la construction de nos économies et de nos sociétés civiles et politiques – et que les grandes synthèses historiques, comme celle de Braudel, déploient si clairement – est définitivement rompu. Bien entendu, aux processus de « relocalisation » dans le cadre global, il faut aussi ajouter les processus de « délocalisation » au sens que Giddens donne à ce terme : c’est-à-dire « l’extraction croissante des relations sociales des contextes locaux et leur restructuration dans des champs spatio-temporels indéfinis » (). La confiance que nous devons accorder, pour vivre, à une multitude de systèmes techniques dont l’extension et les ramifications spatiales et temporelles restent obscures pour nous, en est une manifestation centrale ().

En deçà de ces grandes perspectives généralisantes, bien d’autres aspects plus spécifiques illustrent ces télescopages croissants entre le global et le local. Dans les firmes, par exemple, on voit bien que le schéma idéal dont rêvent désormais de nombreux managers est celui d’une flottille de petits bateaux coordonnés directement par un chef d’orchestre central. Sous de multiples formes, la crise des échelons intermédiaires est patente dans le monde de l’entreprise contemporaine : voir, par exemple, la perplexité générale sur le rôle de l’encadrement intermédiaire, de la « maîtrise ». Cette crise de l’intermédiaire s’accentuera probablement avec le développement des technologies de l’internet. Partout la « désintermédiation » est à l’ordre du jour. Elle ne va pas sans tensions fortes : embouteillage des capacités de coordination des centres ; complexité et parfois illisibilité des relations transverses horizontales qui doivent se tisser entre les unités (du style : client-fournisseur ; ou : expert-exploitant) dès lors que disparaissent les unités ou les agents intermédiaires qui servaient en quelque sorte de postes d’aiguillage ; rupture de continuité entre les objectifs des divers niveaux. Ce dernier point, en particulier, est essentiel. Comment relier aujourd’hui dans les firmes, de manière à la fois opérationnelle, compréhensible et légitime pour les salariés, les objectifs du haut (« valeur pour l’actionnaire », par exemple) et les objectifs du bas (« productivité », « qualité de service », par exemple), objectifs industriels souvent non monétarisés et relatifs à des contextes fortement spécifiques ? (). Comment, d’autre part, continuer à distinguer le niveau stratégique (central) du niveau opérationnel (local) par les horizons temporels, dès lors que l’on assiste souvent à une véritable inversion des temporalités : le niveau central devenant de plus en plus sensible au court terme de la finance et des marchés, alors que le niveau local devient le véritable garant du long terme (compétences industrielles accumulées, maintenance fiabilisée des outils, réseaux commerciaux et relationnels stabilisés) ? ()

Deuxième grande tendance : l’instabilité des objectifs et des normes d’action assignés aux divers niveaux.

La question se déplace ici de la statique vers la dynamique des grandes organisations ou des grands systèmes (). Un point frappant pour l’observateur économiste, gestionnaire ou sociologue est la grande difficulté qu’éprouvent les organisations, sauf à se rigidifier de manière dangereuse, à stabiliser leurs objectifs et les partages d’objectifs entre les niveaux. N’en déplaise à une vision superficielle de la « subsidiarité », il devient malaisé et risqué de dire : tel niveau est en charge de tel problème, avec tels outils, tels indicateurs, sans laisser ouverte la porte d’une évolution et d’une renégociation permanente de cette répartition des rôles. Une illustration a contrario de cela est la répartition par « blocs de compétences » dans la décentralisation à la française, qui a considérablement figé les choses et qui débouche, de fait, sur d’incessants débordements et d’incessantes négociations, parfois perverses, et sur de véritables blocages stratégiques. Comme le soulignent
P. Calame et A. Talmant en développant le thème de la « subsidiarité active », l’organisation publique s’est focalisée sur le partage des responsabilités, alors que les problèmes contemporains relèvent essentiellement de la responsabilité partagée (au sens : co-responsabilité) () ! Ces questions se posent aussi, dans des termes relativement similaires, dans les entreprises. Elles entraînent, en pratique, beaucoup d’ambiguïtés autour de la notion d’autonomie. Celle-ci continue à être lue surtout comme marge de manœuvre au sein des cellules ou des unités et comme degré d’indépendance dans les relations avec les unités de niveau supérieur – dans le cadre d’une répartition nécessairement assez figée des rôles – alors même que la dynamique des interdépendances imposerait de voir plutôt l’autonomie comme puissance d’action au sein du réseau coopératif, capacité à développer des liens de coresponsabilité ().

Enfin, on peut souligner que ces processus vont de pair avec de profonds changements de statut des normes et du rapport aux normes, qu’il s’agisse des normes que les groupes se donnent à eux-mêmes ou des normes externes selon lesquels leur activité est convertie en « performance », jugée et évaluée comme telle. Le caractère de plus en plus diversifié des cadres de références de ces normes, la procéduralisation de leur construction sont des phénomènes perceptibles aussi bien dans l’univers de la société civile, dans les systèmes politiques territoriaux que dans les firmes elles-mêmes (). Ainsi, les normes de performance assignées aux individus et aux unités dans les entreprises sont désormais construites de proche en proche, par référence à la concurrence ou à d’autres unités, beaucoup plus que par référence à des standards figés, externes, se voulant « objectifs », dans la tradition « taylorienne ». Et ces normes sont souvent plus négociables et plus fluides qu’on ne le croit généralement. Le bon responsable de site dans une multinationale n’est pas seulement celui qui sait aligner les meilleurs ratios financiers ou techniques, mais celui qui sait intelligemment organiser, en bon « politique », la communication et l’influence de son unité, se faire l’avocat de ses performances. La répartition des rôles – par exemple entre niveau stratégique et niveau opérationnel – n’est nullement figée, et beaucoup moins claire dans la pratique que dans les manuels de management ou dans les organigrammes formels des entreprises.

Troisième grande tendance, plus spécifique aux systèmes territoriaux : la mobilité et la multiappartenance spatiale croissante des individus, qui rend difficile leur assignation à un niveau ou à une unité donnée de la poupée russe territoriale. Je ne développerai pas ici ce point, mais il est évidemment de première importance pour la structuration territoriale publique, voire privée. Que signifie aujourd’hui une politique d’équipement « emboîtée », à base communale, lorsque les gens circulent, n’hésitent pas à aller chercher loin l’hypermarché, le cinéma ou l’hôpital, et deviennent de ce fait porteurs de cartes mentales très différentes de celles de leurs élus ? Comment retrouver, au sein des grandes métropoles, qui tirent précisément leur puissance de l’extension spatiale de leurs marchés du travail, de l’habitat, des services, des sous-ensembles pertinents du point de vue de la vie quotidienne, de la vie économique et donc de l’action publique ? Ce dernier problème est très concret, et une région comme l’Ile-de-France, par exemple, s’y trouve confrontée dès lors qu’elle veut définir des politiques territorialisées à un niveau infra régional. En réalité, aucun critère ne permet de découper de manière pertinente une région métropolitaine comme la région parisienne. Par exemple, aucun sous-marché géographique du travail, de type « bassin d’emploi » n’est réellement perceptible. Le recouvrement, l’imbrication, le réseau maillé et difficile à décomposer  sont les caractéristiques dominantes.

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On voit bien, au fil de ces quelques exemples rapidement esquissés, que les problèmes soulevés à partir de cette interrogation qui peut sembler abstraite sur les « schémas emboîtés hiérarchiques » ne sont pas fondamentalement des problèmes techniques ou gestionnaires. La question du bon découpage, de l'emboîtement optimal peut se poser, et se pose, pour la gestion des réseaux techniques, ou des ressources matérielles : il vaut mieux que le périmètre d’une Agence de l’eau soit en rapport avec le bassin hydrographique ! Mais dans les organisations humaines complexes, la question du périmètre ou du niveau « optimal » est en général une question tronquée, sans réponse, une fausse question. Derrière les aspects fonctionnels, dans les systèmes territoriaux comme dans les firmes et les systèmes technico-économiques, l’enjeu de fond est bien celui de l’organisation et du contrôle de la vie commune, de la définition du bien commun, c’est-à-dire, in fine, celui de la nécessaire refonte des formes démocratiques. On notera, par exemple, à quel point la référence à la « subsidiarité » est aplatie, appauvrie, lorsqu’on la réduit, comme c’est souvent le cas, à une sorte de précepte de bon sens, du genre : faire localement tout ce qu’on peut faire localement et ne laisser remonter que ce qui ne peut pas se faire localement. Non seulement ce bon sens ne fonctionne absolument pas pour nombre de questions (quid de la recherche, par exemple ?), mais surtout il fait oublier que la « subsidiarité » est d’abord un concept politique, relié à des traditions historiques et philosophiques particulières, dont le fond est un modèle spécifique de rapport entre l’individu et la communauté ().

En réalité, il me semble que l’horizon véritable des questions évoquées ici est celui du doute inévitable qui surgit quant au lien extrêmement profond, constitutif, que notre société a établi entre démocratie et territoire – que ce dernier terme soit pris au sens propre, spatial, mais aussi au sens figuré, par exemple pour désigner une unité locale dans une grande organisation telle qu’une firme.

Du point de vue des individus, l’appartenance micro-locale est trop étriquée et le « retour au local » est souvent régressif. Mais l’échelle du monde, du global, renvoie à des réalités indéfinies, trop vastes, angoissantes. Il y a donc une grande attente et un grand besoin de formes intermédiaires. Mais celles-ci seront-elles toujours et exclusivement territoriales, nationales en particuliers ? Quant aux principes d’équité ou de justice qui sont le contenu substantiel de la vie démocratique, faut-il continuer à les territorialiser aussi fortement que nous le faisons ? Que voulons-nous, en définitive, la sécurité, la prospérité, l’équité pour les personnes, ou l’« équilibre » entre les territoires ? Bien sûr, il ne faudrait pas pousser trop loin l’opposition entre ces deux termes. Mais elle existe désormais, que cela nous plaise ou non, dès lors que les territoires abritent de moins en moins des communautés homogènes, et dès lors que les individus se définissent de moins en moins par les lieux où ils habitent, ou par les collectifs plus ou moins éphémères au sein desquels ils travaillent.

Voir B. Walliser. Systèmes et modèles, Paris, Seuil, 1977. Pour une approche plus formalisée, voir Mesarovic, Théorie des systèmes hiérarchiques à niveaux multiples, Paris, Dunod, 1970.

Reconfiguration qui, en l’occurrence, semble suivre des chemins inverses dans le monde des entreprises (où l’accent est mis très fortement sur la réduction du nombre des niveaux) et dans le monde politique (où ce nombre est stable, voire croissant !). Voir, en France, la querelle sur l’utilité du niveau départemental, par exemple.

J’ai développé ce point dans : P.Veltz. Mondialisation, villes et territoires, Paris, PUF, 1996.

A. Giddens. Les conséquences de la modernité, Paris, l’Harmattan, 1994. (p.30 sq)

Ecrivant ceci quelques jours après la grande tempête de décembre 1999, je songe à la question d’une auditrice de France Inter : « Je n’ai pas de courant. Comment est-ce possible alors que j’habite tout près de la centrale de Nogent ».

Voir sur ce point la contribution à ce livre de F. Marie.

Au total, on assiste ainsi à une sorte de bizarre croisement entre les variables d’espace et de temps : l’échelle spatiale globale allant de pair avec l’échelle temporelle événementielle, alors que l’échelle spatiale locale est liée à des processus de plus longue haleine.

Sous l’angle de la modélisation formalisée, on notera au passage que cette question est restée longtemps dans une sorte de creux entre la Recherche Opérationnelle qui s’est attaquée dès l’origine à des grands systèmes plutôt statiques et l’Automatique s’intéressant à des systèmes de petite taille en évolution rigide. Depuis lors, l’Automatique des grands systèmes a beaucoup progressé, mais trouve assez difficilement des débouchés industriels (voir sur ce point l’excellent petit ouvrage de Guy Cohen. Modélisation des réseaux urbains. CNRS Editions, 1995.)

P. Calame, A. Talmant. L’Etat au cœur. Desclée de Brouwer, 1997.

Voir sur ce point l’ouvrage collectif du LATTS : notamment les contributions de P. Zarifian et K. Chatzis. Chatzis, ed, L’autonomie dans l’organisation, quoi de neuf ? L’Harmattan, 1999.

Sur cette mutation de la norme, voir J. de Munck et M. Verhoeven (ed). Les mutations du rapport à la norme, Paris, Bruxelles, De Boeck, 1997.

Voir sur ce point C. Millon-Debsol. L’Etat subsidiaire, Paris, PUF, 1991. Voir aussi, dans une perspective plus critique, A. Faure, Territoires et subsidiarité, Paris, l’Harmattan, 1997. (Et, en particulier, la contribution de B. Barraqué : Subsidiarité et politique de l’eau).